Extraits :
« Pollution », « risque », « danger ». Voilà, dans l’ordre, les trois premiers mots qui viennent à l’esprit du grand public quand on leur demande d’évoquer l’industrie chimique*. C’est dire l’image négative que véhicule aujourd’hui le secteur. « Cela n’est pas étonnant quand on parle de la chimie c’est essentiellement pour parler des accidents, estime Jean Pelin, directeur général de l’UIC, l’Union des industries chimiques. Pourtant, quand on explique mieux ce que l’on fait, notamment sur la chimie verte, les gens voient les choses différemment ». La « Chimie verte » ou « Chimie durable » (voir encadré) : un concept encore peu connu du grand public mais qui devrait être largement diffusé en cette année internationale de la Chimie, lancée par l’Unesco à l’initiative de l’Ethiopie « qui voulait rendre hommage à l’apport du secteur dans le traitement de l’eau et du développement durable de l’Afrique », précise Jean Pelin .(...)Une nécessaire ouverture aux contradicteurs
« On note une évolution du secteur mais elle reste lente. La problématiques des nanotechnologies, que l’on a commercialisées sans en évaluer les effets sur la santé ou l’environnement illustre bien qu’il n’y a pas eu réellement un changement de culture », nuance de son côté André Cicolella, le porte-parole du réseau santé environnement. Invité à faire une présentation lors du colloque du CNRS « La chimie face aux défis de la communication », il était l’un des rares intervenants à parler de front des pollutions et maladies engendrées par l’industrie chimique et pointer du doigt l’insuffisance des recherches sur les effets des substances chimiques : « seules 10 % des substances les plus utilisées ont par exemple fait l’objet d’études sur la cancérogénité », rapporte-t-il. « La chimie verte peut être une solution mais elle doit être destinée à endiguer la crise écologique dans sa globalité », estime-t-il avant de lancer l’idée d’un « serment d’Hypocrate pour chimiste » où celui-ci s’engagerait à ne pas nuire.
Des peurs et des avis divergents que l’industrie chimique doit laisser s’exprimer et prendre en considération, ce qui n’est pas forcément le cas actuellement, selon Richard-Emmanuel Eastes, professeur agrégé de chimie à l’ENS : « il faut chercher à dialoguer plutôt qu’à convaincre » avec un prosélytisme chimique, estime-t-il. « C’est aux chimistes de parler des risques industriels ou des perturbateurs endocriniens, des dangers liés à la manipulation des réactifs chimiques, de l’importance de la chimie dans l’élaboration de nouvelles drogues et produits dopants, et d’assumer ouvertement les incertitudes qui pèsent sur les éventuels usages malveillants qui pourront être faits de toutes leurs découvertes. Et peu importe que cela risque de « ternir l’image de la chimie » ; ne pas en parler risque de la ternir plus encore », développe-t-il sur son blog « Parlez-vous chimie ? ». Et le professeur de citer l’exemple de Bayer qui, pour discuter avec ses salariés sur les questions qui fâchent (OGM, effets des pesticides, etc) vient de lancer un « serious game » en direction de ses salariés…Preuve que le dialogue n’est pas seulement tourné vers l’extérieur.