La remise en cause du jugement de la France de la catastrophe environnementale provoquée par la marée noire de l'Erika, qui s'est déroulée dans une zone maritime particulière prouve qu'il ne peut y avoir de recourt légal sûr, que si les textes sont eux mêmes suffisamment explicites, pour ne pas risquer une non légitimité.
Il me semble donc positif de vouloir déterminer des contours et des normes aux éventuels préjudices possibles et envisageables.
On voit bien tout de même rapidement la grande complexité d'un tel encadrement, entre le risque de ne pas tout pouvoir prévoir, et celui de sur ou sous évaluer certains risques.
On voit bien tout aussi rapidement l'intérêt qu'il va y avoir pour certains à rapidement mettre des bâton dans les roues à une telle démarche.
Extraits :
Un groupe de travail de juristes dirigés par les professeurs de droit Laurent Neyret et Gilles Martin vient de publier une nomenclature des préjudices environnementaux. Un colloque, visant à mettre en discussion les propositions du groupe de travail, s'est tenu le 23 mai 2012 à Sciences Po Paris.
Traitement à géométrie variable
"Le droit français, comme les droits étrangers et le droit international, conduit à une prise en compte élargie des conséquences préjudiciables du dommage environnemental", souligne Laurent Neyret, Professeur à l'Université d'Artois. "Pourtant cet état du droit ne s'est pas accompagné d'une délimitation des contours des préjudices considérés, au point d'aboutir à un traitement à géométrie variable suivant les juridictions ou les institutions concernées".
"Car, contrairement à ce qui a pu être dit, le jugement de l'Erika n'a pas été le premier à reconnaître l'existence d'un préjudice écologique", indique Gilles Martin, Professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis. Le groupe de travail a d'ailleurs recensé environ 190 jugements ou décisions reconnaissant ce préjudice.
Nommer pour mieux normer
"L'identification des préjudices est la condition première de la responsabilité", rappelle Laurent Neyret. L'objectif de cette nomenclature est donc de "nommer pour mieux normer". Il s'agit d'établir un étalon qui pourra servir dans un cadre contentieux ou non. Dans le cadre d'un procès civil, la nomenclature devrait faciliter le travail des différentes parties en cas de dommage environnemental et, en matière pénale, faciliter la transaction et la définition des incriminations. (...) Cette tentative de normalisation n'est toutefois pas exempte de critiques.
Si elle reconnaît tout le mérite que présente cette nomenclature dans sa volonté d'éclaircir "un maquis juridique invraisemblable", Pascale Kromarek, Présidente du comité Droit de l'environnement du Medef, considère ce projet comme n'étant "pas suffisamment mûr pour devenir un outil opérationnel" et comme "une source d'insécurité juridique pour les acteurs économiques". Parmi ses critiques : un périmètre pas suffisamment clair, la question du régime de responsabilité applicable qui reste en suspens, l'absence de clarté du critère de gravité du préjudice, le flou sur les délais de prescription, ou encore les risques de redondance indemnitaire en cas de préjudice collectif.
De la même façon, Stéphane Pénet, Directeur des assurances de biens et de responsabilité à la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) souhaite alerter sur les "risques collatéraux" que présenterait une utilisation trop rapide de cet outil. "Les professions de l'assurance craignent surtout l'incertitude plus que l'extension de la responsabilité", confirme Jean-Pierre Dintilhac, magistrat honoraire, à l'origine de la nomenclature des préjudices corporels.
Pour Stéphane Pénet, le développement des mécanismes de responsabilité environnementale doit reposer sur trois piliers : la définition des régimes de responsabilité, celle du quantum de la réparation et celle des préjudices. En ne définissant que ces derniers, la nomenclature pècherait par insuffisance.
Ses craintes ? Qu'un même préjudice puisse être indemnisé sur la base de plusieurs fondements (loi sur la responsabilité environnementale, droit commun de la responsabilité civile…), ou encore le flou sur les méthodes d'indemnisation des préjudices. Prenant l'exemple de l'Erika, il estime que si le juge avait disposé de cette nomenclature, la réparation forfaitaire obtenue par la LPO aurait pu être beaucoup plus importante. Ce dernier, présent au colloque, reconnaît que cet outil "aurait grandement facilité le travail des parties civiles, des avocats et des magistrats".
Si comme moi on souhaite l'établissement d'un tribunal international de l'environnement il va bien falloir un encadrement juridique clairement défini, ce travail est donc nécessaire, forcément périlleux et sensible, mais inévitable.