Du coup c'est moi aussi que voilà troublé par l'entièreté de l'interview que je viens de lire et qui vous vaut ce billet perplexe du jour. (Je vais devoir y revenir probablement un grand nombre de fois pour en digérer tous les éléments nutritifs de l'esprit partagés, tant les pistes de réflexions non-conventionnelles sont nombreuses et perturbantes, enfin pour mes petites capacités intellectuelles!).
Je ne vais considérer pour l'heure qu'un aspect de ces réflexions, et ce qu'il m'inspire, que j'ai requalifié en questionnement, mais qui est à l'origine une affirmation de la part d'un humain que je découvre et auquel on attribue le titre de "penseur"! Et pour sûr il y a de quoi méditer.
Bruno Latour que je découvre donc affirme que les humains qui décident de ne rien changer seraient tout autant affecté par la compréhension de ce que projettent comme conséquences possibles les changements écologiques et climatiques mais qu'ils en feraient une traduction différente, que je visualiserais pour ma part comme une forme de déni, un aveuglement à la fois plus ou moins inconscient et plus ou moins volontaire, pour n'avoir pas à affronter la réalité trop difficile à envisager. C'est en tout cas comme cela que je comprends cette assertion. C'est vous dire à quel point je suis loin de parvenir à tout ingurgiter de ce mets que je préssens pourtant bien très nutritif.
J'avoue ne pas être convaincu de prime abord, à moins que ce soit moi qui suis complètement aveugle et stupide, ce qui est tout à fait envisageable, mais il me semble bien souvent, que l'égoïsme et l'individualisme donnant naissance à une indifférence égocentrique, peut également expliquer au moins en partie, une des causes du mal profond qu'évoque Bruno Latour. Cet égocentrisme étant aussi je crois à l'origine de conséquences qui génèrent la motivation originelle à ne rien faire qui obligerait à avoir à réprimer ce qui nous fait plaisir et auquel on veut accéder sans conteste possible.
Mais je suis ouvert à toute nouvelle piste de réflexions et d'analyses, enfin à toutes celles qui ne me semblent pas vraiment trop contradictoires avec mes propres observations et ressentis.
Et si effectivement il y avait pour certain·e·s dans leurs comportements de refus ou de négation de l'action à mener, une forme de refus d'obstacle, cette sensation qui vous laisse figé, qui vous bloque tellement, que seul détourner le regard est une option, voilà qui est tout à fait envisageable en tout cas pour une partie de mes congénères.
Parler différemment à ces femmes et hommes là, pour les sortir de cette torpeur auto-protectrice serait-il alors la priorité? Les identifier autours de nous, parmi nos voisins, nos connaissances, nos rencontres, celles et ceux qui se protègent en quelque sorte tétanisés par l'enjeu, et qu'il faudrait alors rassurer et encourager en les aidant à considérer qu'ils ne sont pas seul·e·s. Les amener à considérer que cette lutte là ils peuvent la mener à nos côté, et qu'ensemble comme le dis Bruno Latour nous pouvons nous allier, que c'est même le seul choix possible pour avoir une chance de gagner ce combat là, que seule notre union nos efforts communs pourraient avoir une chance de venir à bout de cette monstrueuse engeance qui se fait jour, tentaculaire, étouffante, broyante, apparemment insurmontable.
L'enjeu mérite qu'on y réfléchisse et je me dis d'ailleurs, n'est-ce pas ce que je fais déjà inlassablement, exhorter à s'unir pour avoir plus de force, à se rencontrer, à tenter de changer les choses, à agir ensemble pour avoir plus d'impact, sauf que jusqu'à présent face à certaines crispations ou dénégations, l'orientation de mes arguments ne prenaient peut-être pas le bon angle d'attaque, la bonne sensibilité.
La peur peut vous clouer sur place, n'ont pas que vous ne voulez pas vous défendre, ou défendre vos idées, mais que vous vous en sentez incapable, ce sentiment là en fait je le connais bien, je le vie, vraiment, celles et ceux qui pensent me connaître n'imaginent pas à quel point il m'est difficile par exemple de prendre la parole en public pour poser une question ou défendre un argument ou une analyse, ou encore présenter un projet, c'est chancelant et tremblant que je prends sur moi pour prendre la parole dès que je sors du cercle rassurant des quelques amis et connaissances les plus proches. Le nœud au ventre, la bouffée de chaleur, les jambes flageolantes, je sais, j'expérimente régulièrement cette oppressante tension, et le temps ne change rien à l'affaire, pas plus que le nombre d'expériences qui s'accumulent pourtant, et je me dis qu'en fait ce qui me permet de passer outre cette pression que je vie parfois comme de l'angoisse, ce sont toutes les personnes autour de moi qui me servent d'exemples, et qui me font me surpasser.

Peut-être que c'est cela qu'il faut que je, qu'on leur dise et qu'on leur démontre maintenant, c'est qu'ensemble on peut se surpasser, aller bien au delà de ce que l'on croit possible individuellement.
Pour conclure et faire une petite parenthèse sur l'un des autres aspect que Bruno Latour pose comme piste de réflexion, l'idée de territoire, de faire corps avec, d'être le territoire plutôt que de le défendre, comme il faudrait non pas défendre la nature mais être la terre, je crois qu’inconsciemment, instinctivement sans doute, je suis en mesure de dire que je suis très proche de cela, et ce blog en contient depuis longtemps déjà une image révélatrice et probante, elle me fut inspirée bien sûr par ce qui est née à Notre Dame Des Landes, la ZAD que je n'ai pas vécu de l'intérieur, mais seulement approché et côtoyé, mais dont je pense avoir saisi l'essence, je serais curieux de voir mon inspiration commentée par Bruno Latour.